Le Lomekwien

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Dans cet article, nous vous proposons de découvrir la plus ancienne industrie lithique connue de nos jours, le Lomekwien.

Le Lomekwien, qu’est-ce que c’est ?

En 2011, l’équipe du West Turkana Archaeological Project (WTAP) débute des fouilles archéologiques sur le site de Lomekwi. Ce site se trouve dans la formation de Nachukui, située à l’ouest du lac Turkana au Kenya (Afrique).

Figure 1 : Carte d’Afrique avec la localisation du site de Lomekwi.

Lors des fouilles menées en 2011, l’équipe découvre des artefacts lithiques dans la localité de Lomekwi 3. Poursuivant leurs travaux en 2012, les chercheurs mettent au jour un total de 149 pièces lithiques. Cet assemblage lithique est daté à 3,3 millions d’années (abrégé par Ma par la suite). Il se compose de 83 outils façonnés, 35 éclats, 7 éléments passifs ou potentielles enclumes, 7 percuteurs, 5 galets aménagés et 12 artefacts lithiques non déterminés. Cette découverte a été publiée en 2015 dans la revue Nature.

Figure 2 : Photographies de quelques pièces lithiques retrouvées à Lomekwi 3. Nucléus (A), enclume (B) et éclat (C). © AfricanFossils.

Les pièces lithiques retrouvées à Lomekwi se distinguent par leur taille et leur volume importants. En effet, les outils les plus imposants peuvent peser jusqu’à 15 kg ! La plupart de ces outils présentent des traces de façonnage par percussion sur une plateforme. Suite à leur découverte, un programme expérimental a été mis en place afin de déterminer plus précisément leur méthode de fabrication. Durant les expérimentations, les chercheurs ont utilisé la même matière première que celle trouvée à Lomekwi afin de ne pas fausser les résultats. Ces expérimentations ont montré que les outils ont été fabriqués en utilisant les techniques de percussion passive sur enclume et/ou bipolaire.

Figure 3 : Schémas représentant la percussion passive sur enclume (le bloc à fractionner est directement frappé sur un bloc de matériau très dur nommé enclume) et la percussion bipolaire (le bloc à fractionner est placé sur une enclume et est ensuite frappé par un percuteur tenu à la main).

Toutes les pièces lithiques découvertes à Lomekwi présentent des caractéristiques indiquant une taille volontaire de la main d’êtres humains.

L’étude réalisée par l’équipe du WTAP démontre que ces outils sont différents des cultures ultérieures déjà connues. Par conséquent, un nouveau terme « Lomekwien », est proposé pour désigner cette nouvelle industrie lithique, en référence au lieu de découverte. Le Lomekwien débute donc vers 3,3 Ma et s’arrête avec le début de l’Oldowayen, vers 2.6 Ma. Cette industrie lithique est propre à l’Afrique. Si vous souhaitez en savoir davantage sur les différentes chronocultures africaines, nous vous invitons à lire cet article.

Les nouvelles questions soulevées par cette découverte

La découverte du Lomekwien fait reculer de presque 700 000 ans l’âge des premiers outils taillés. En effet, les plus anciens artefacts connus étaient alors datés à environ 2,6 Ma pour le site de Gona, 2,36 Ma pour le site de l’Hadar ou encore 2,34 Ma pour le site Omo en Ethiopie.

Figure 5 : Localisation des sites où ont été retrouvés certains des plus anciens outils taillés avant la découverte du Lomekwien.

Ces dates coïncidaient alors avec l’existence du genre Homo, puisque ce dernier est apparu aux alentours de 2.8 Ma en Afrique. Cependant, les outils lomekwiens datant de 3,3 Ma remettent complètement en question ce lien entre le genre Homo et la fabrication d’outils.  En effet, la première espèce rattachée au genre Homo, découverte en 1964 par Louis et Mary Leakey, a été nommée Homo habilis, ce qui signifie « homme habile ». Cette dénomination souligne ainsi le lien supposé entre le genre Homo et la fabrication d’outils, considérée alors comme étant propre à notre genre. Néanmoins, la découverte du Lomekwien met définitivement en doute cette hypothèse. Nous ne connaissons pas l’auteur du Lomekwien, mais sa découverte a été réalisée dans une même zone géographique et chronologique où a été retrouvée l’espèce Kenyanthropus platyops.

Kenyanthropus platyops, l’artisan potentiel du Lomekwien

Les restes fossiles de Kenyanthropus platyops ont été découverts en 1998 et 1999 sur le site de Lomekwi, à l’ouest du lac Turkana au Kenya. Ils sont datés entre 3,5 et 3,3 Ma, et l’espèce a été officiellement décrite en 2001. L’holotype de K. platyops est un crâne (KNM-WT 40000) qui suscite de nombreuses interrogations. En effet, il présente une combinaison unique de caractères archaïques, le rapprochant des Australopithèques, et de caractères dérivés, similaires à ceux observés chez les Hominines plus tardifs. La morphologie de la face est particulièrement remarquable, étant plate et très peu projetée vers l’avant, contrairement à ce qui peut être observé chez le genre Australopithecus, qui a vécu entre 4,2 et 1,9 Ma en Afrique.

Par ailleurs, le nom de l’espèce, « platyops », vient du grec « platus » qui signifie plat et « opsis » signifiant face. Ainsi, bien que Kenyanthropus platyops soit actuellement rattaché aux Australopithèques, sa position phylogénétique reste débattue.

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L’équipe de Prehistory Travel.

Bibliographie :

[1] Dominique Grimaud-Hervé et al., Histoire d’ancêtres. La grande aventure de la Préhistoire, Errances, 5e édition, 2015.

[2] Sonia Harmand et al., “3.3-million-year-old stone tools from Lomekwi 3, West Turkana, Kenya”, Nature | 310, vol. 521, 2015.

[3] Meave G. Leakey, “New hominin genus from eastern Africa shows diverse middle Pliocene lineages”, Nature, vol. 410, 2001.

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