La théorie de l’évolution selon la sélection naturelle

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La compréhension de la théorie de l’évolution par la sélection naturelle est absolument essentielle pour appréhender l’histoire du vivant et, par conséquent, l’histoire humaine.

Un peu d’histoire des sciences

La théorie de l’évolution, qui postule que les êtres vivants évoluent au cours du temps, a vu le jour durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Jusqu’au XVIIIe siècle, la théorie prédominante est celle du fixisme qui stipule que les êtres vivants ont été créés par la main de Dieu et sont donc immuables. Par exemple, un nom souvent associé au fixisme est celui de Carl von Linné (1707-1778). Pour lui, toutes les espèces existantes ont été créées durant une seule création divine. Linné est particulièrement connu pour son ouvrage Systema Naturae. L’édition la plus célèbre est celle de 1758 où il crée notre espèce, Homo sapiens, et la classe parmi les primates. Cependant, cette classification des espèces n’a pour lui qu’un seul objectif : rendre intelligible le plan divin de la Création dont les êtres humains seraient le point culminant.

Georges Cuvier (1769-1832), quant à lui, développe la théorie du catastrophisme. Selon lui, il n’y a pas d’évolution des êtres vivants mais une succession de catastrophes et d’extinctions massives. Ces « catastrophes » seraient suivies par de nouvelles créations divines. Ceci permet d’expliquer la présence de fossiles d’espèces animales aujourd’hui éteintes, découverts dans des couches géologiques anciennes.

La première théorie de l’évolution, dans le sens général d’une modification des espèces au fil du temps, est formulée au XVIIIe siècle par Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829). Cette théorie est connue sous le nom de transformisme. Selon Lamarck, les espèces se modifient au cours du temps. Il existerait ainsi une continuité entre les espèces fossiles disparues et les espèces actuelles. Des facteurs physiques seraient à l’origine de cette modification des êtres vivants et les caractères acquis seraient ensuite transmis à la descendance. Bien que cette théorie soit erronée, il s’agit néanmoins de la première théorie allant dans le sens d’une évolution des espèces, représentant ainsi une étape importante vers l’évolutionnisme.

Le transformisme selon Lamarck – l’exemple du cou de la girafe

Pour illustrer sa théorie, Lamarck utilise un exemple aujourd’hui célèbre : celui de l’évolution de la taille du cou de la girafe.  Ainsi, il explique dans son ouvrage, Philosophie Zoologique, publié en 1809 :

« Relativement aux habitudes, il est curieux d’en observer le produit dans la forme particulière et la taille de la giraffe (camelo pardalis) : on sait que cet animal, le plus grand mammifère, habite l’intérieur de l’Afrique, et qu’il vit dans des lieux où la terre, presque toujours aride et sans herbage, l’oblige de brouter le feuillage des arbres, et de s’efforcer continuellement d’y atteindre. Il est résulté de cette habitude, soutenue, depuis long-temps, dans tous les individus de sa race, que ses jambes de devant sont devenues plus longues que celles de derrière, et que son col s’est tellement allongé, que la giraffe, sans se dresser sur les jambes de derrière, élève sa tête et atteint à six mètres de hauteur. »

Philosophie Zoologie, livre I, chapitre VII.

Ici, ce sont le milieu et l’environnement qui déterminent l’évolution de la taille du cou de la girafe. C’est la fonction qui modèle l’organe. Du fait que la girafe a besoin d’atteindre des feuilles en hauteur, son cou s’est allongé, ce qui, au fil du temps, a entraîné une modification de l’espèce. Ce trait acquis est ensuite transmis à la descendance.

Charles Darwin, Alfred Wallace & la sélection naturelle

La théorie de l’évolution par la sélection naturelle a été élaborée de façon indépendante par Charles Darwin (1809-1882) et Alfred Russel Wallace (1823-1913) durant la seconde moitié du XIXe siècle. Darwin développe cette théorie grâce aux explorations qu’il a menées à bord du Beagle, sur lequel il voyage durant 5 ans (1831-1836). Cependant, ce n’est qu’en 1859, soit 23 ans après son voyage autour du monde, que Darwin publie son très célèbre ouvrage De l’Origine des espèces par la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie.

Pour la petite histoire, Darwin a été poussé à publier son manuscrit lorsqu’il a découvert que Wallace était sur le point de publier une théorie similaire à la sienne. Finalement, les travaux de Darwin et Wallace ont été présentés le même jour devant la Société linnéenne de Londres en 1858. Néanmoins, c’est le nom de Darwin qui est passé à la postérité.

La théorie de l’évolution selon la sélection naturelle, de quoi s’agit-il ?

A la suite de ses observations sur le terrain, Darwin élabore le raisonnement suivant. Dans un premier temps, il constate qu’il existe une variabilité parmi les individus d’une même espèce. De plus, ces variations sont héréditaires et sélectionnables. Darwin arrive à cette conclusion en observant les pratiques d’élevage et la sélection pour la reproduction qui sont appliquées à une partie du bétail. Il remarque ainsi que les caractères sélectionnés se transmettent à la descendance. Il se pose alors la question suivante : cette sélection s’opère-t-elle également dans la nature ou uniquement dans un contexte d’élevage où les éleveurs jouent le rôle d’agent de sélection ? Darwin identifie que cet agent de sélection est présent dans la nature et correspond à l’environnement où vivent les individus.  

Il peut exister plusieurs variants pour un même caractère, et chaque variant est porté par plusieurs individus. Si les conditions environnementales favorisent un ou plusieurs de ces variants, les individus qui les portent ont tendance à laisser davantage de descendants que les autres. Ce succès reproductif différentiel est ce que l’on appelle sélection naturelle. A l’échelle d’une population, cette sélection naturelle entraîne des transformations au sein des espèces. Les caractéristiques des individus avantagés finissent par devenir dominantes au sein d’une population, car ces individus ont un taux de reproduction plus élevé. Ceci aboutit à une modification de la population au bout d’un certain temps.

Nous pouvons résumer la théorie de l’évolution par la sélection naturelle de la manière suivante : les individus porteurs d’une mutation avantageuse dans un milieu laisseront davantage de descendants que les autres individus ne portant pas cette mutation. Si les conditions environnementales favorables à cette mutation persistent dans le temps, la fréquence du variant avantagé au sein d’une population donnée finira par atteindre 100 %. En conséquence, la population, voire l’espèce, aura changé. Par la suite, de nouvelles mutations vont survenir pour un même caractère, entraînant une nouvelle modification de l’espèce si le milieu y est propice. Il est important de noter que ces mutations sont le fruit du hasard. La survie d’une espèce est ainsi directement liée à sa capacité à avoir de nombreuses variations pour un même caractère.

Suite aux travaux réalisés en génétique durant la première moitié du XXe siècle, on découvre que ces variations et mutations sont d’origine génétique et que l’évolution découle donc d’un changement de fréquence d’allèles au sein d’une population. En résumé, les mutations, qui surviennent par hasard, sont le carburant de l’évolution tandis que la sélection naturelle en est le moteur. C’est la sélection naturelle qui est à l’origine de l’adaptation d’une population à un milieu.

L’exemple du cou de la girafe selon Darwin

Darwin reprend l’exemple du cou de la girafe mobilisé par Lamarck :

« La haute stature, l’allongement du cou, des membres antérieurs, de la tête et de la langue sont chez la girafe, des conditions qui adaptent admirablement sa charpente entière à l’habitude de brouter sur les branches élevées des arbres. […] en ce que les individus ayant une ou plusieurs parties plus allongées qu’à l’ordinaire, ont dû, en général, seuls survivre. Leur croisement a produit des descendants soit héritant des mêmes particularités corporelles, soit d’une tendance à varier de la même manière tandis que les individus moins favorisés sous les mêmes rapports auront été plus exposés à périr. »

L’Origine des espèces, 6ème édition, 1872.

La principale différence entre Lamarck et Darwin réside dans le mécanisme sous-jacent à la transformation des espèces. Selon Lamarck, ce sont les conditions du milieu qui induisent la modification d’un caractère. Dans l’exemple de la girafe, le besoin de devoir tendre le cou pour atteindre les feuilles entraînent directement un allongement de celui-ci. Ce caractère physique acquis est transmis par la suite à la descendance.

En revanche, pour Darwin, le mécanisme moteur de la transformation des espèces est la sélection naturelle. Les girafes portant une variation génétique résultant en un cou plus long sont avantagées dans leur environnement car elles peuvent accéder plus facilement à de la nourriture. Cet avantage accroît leur chance de survie et par conséquent, leur capacité à se reproduire. Comme les girafes portant cette mutation ont davantage de descendants, la fréquence de celle-ci augmente au sein de la population, entraînant ainsi une modification de celle-ci.

Schémas représentant la théorie de l'évolution selon Lamarck et Darwin.
Figure 1 : Schémas représentant les théories de l’évolution selon Lamarck et Darwin.

La théorie de l’évolution par la sélection naturelle en quelques points

Voici quelques éléments à retenir afin de bien comprendre la théorie de l’évolution par la sélection naturelle :

  • L’évolution biologique ne s’applique pas à un individu mais à une population. La sélection naturelle a un effet sur les individus mais c’est bien une population qui évolue et se modifie dans le temps.
  • L’évolution n’a pas de but, elle est le fruit du hasard des mutations génétiques. Il n’y a ni intention ni volonté derrière l’évolution.
  • Notre espèce, Homo sapiens, n’est pas plus évoluée que les autres espèces animales. Homo sapiens est un animal, un mammifère, un primate et un singe comme les autres (d’ailleurs si vous souhaitez en apprendre plus sur ces derniers, cliquez ici). Nous ne sommes pas le produit fini de l’évolution, nous sommes le résultat du hasard.
  • L’évolution n’est pas finie ! Toutes les espèces sont toujours en train d’évoluer, y compris nous ! En réalité, une espèce qui n’évolue pas est une espèce vouée à s’éteindre. Par conséquent, les termes « fossiles vivants » n’ont pas de sens biologiquement parlant.
  • De même, il n’y a pas d’étapes ou de paliers évolutifs dans l’évolution, il s’agit d’un processus continu.

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L’équipe de Prehistory Travel.

Bibliographie :

[1] Boyer Charles, « Le cou de la girafe : Lamarck, et puis Darwin », L’Enseignement philosophique, 2011/2 (61e Année), p. 48-54. DOI : 10.3917/eph.612.0048. URL : https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2011-2-page-48.htm.

[2] Darwin Charles, De l’Origine des espèces par la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie, ed. orginale 1859, 2022, éditions Flammarion.

[3] Lamarck Jean-Baptiste, Philosophie zoologique ou Exposition des considérations sur l’histoire naturelle des animaux, tome I, ed. originale 1809, 2017, Hachette Livre BNF.

[4] Lecointre Guillaume (dir.), Guide critique de l’évolution, 2009, BELIN EDUCATION.

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